8 mars 2009

superficialisme



Il y a un an, mon camarade Antoine me parle de son projet de fabriquer lui-même une machine à tatouer sur le modèle de celles construites depuis la seconde moitié du XXème siècle dans les prisons. Le mécanisme est simple : un moteur de rasoir ou de walkman, sur lequel sont fixés un stylo et une aiguille changés à chaque fois. Ce matériel semi-professionnel est bien évidement stérile et à usage unique.
Antoine, avec la collaboration de Karin, a monté le Club des Superficialistes, Club de Tatoués Néo-Loubard et ont précisément défini de manière "encyclopédique" leur projet ou manifeste (cf N°1 Entrisme Magazine). Ils parlent même de le faire publier dans wikipédia. Antoine s'est d'abord tatoué la cuisse droite en mode brouillon, et depuis ce sont les copains qui y sont passés. Et je fus le numéro 5!
"Pas de rendez vous! Superficialisme = acte spontané!" annonce dès le départ Karin.
Un tatouage qui pour le superficialiste sera une marque encrée d'affection, un souvenir, la trace d'une époque...
Mon heure est venue pendant un apéro chez Antoine où W. lança "et si on se faisait tous tatouer?" Ok, on y va! Antoine prépare sa machine, nettoie la place, entre temps je réfléchis quelques instants à ce dont je vais me faire encrer. Et tiens pourquoi pas une croix? Le calvaire des voyous revisité en "Calvaire des Copains". Il y a des gens dans la vie que l'on soutiendra jusqu'au bout, que ce soit dans leurs galères ou dans leurs projets les plus fous et d'une certaine manière on les aide à porter leur propre croix, comme le christ a pu le faire. La chaîne hi-fi joue "Rumble" de Link Wray. C'est un instant assez cinématographique. Je me dessine le patron sur la cuisse gauche, une dernière bouffée de cigarette et m'installe pour me faire piquer. L'aiguille rentre beaucoup plus profondément que celle d'un tatoueur basique. Et ne trace pas direct le trait, c'est plus par à coup. W se fout de ma gueule et raconte des blagues salaces, ça m'évite de tirer la grimace. J'observe l'aiguille buriner la peau, le sang et l'encre forment une croûte qui va bien avec la symbolique de la croix.
Le "Calvaire des Copains" est aussi un hommage à ces blousons noirs comme Johnny de Montreuil, ces voyous qui semaient jadis la terreur dans Paris et pratiquaient aussi cet art du tatouage. J'ai toujours été intriguée par les loubards et leurs tatouages faits à l'arrache en prison : oeil de biche, larme, fleur, prénom de gonzesse, calvaire des voyous... Quand t'es gosse, les vieux t'apprennent à avoir peur de la marginalité. Et pour ces vieux cons, être tatoué c'est foutre les deux pieds dans le club des marginaux. D'ailleurs dans le salon du mythique tatoueur old-school, le Sailor Jerry, un écriteau indiquait à la clientèle "Les principales raison de ne pas se faire tatouer". Et parmi les "Ta mère va te tuer", il y a surtout "De part le fait d'être tatoué, vous serez classé chez les "Barbares" ( Et c'est la Cour Supreme de l'État de New York qui le dit!). Barbare? Ok, ça marche!